Hygiène, infections, maladies nosocomiales
Pour Annemasse et Thonon dont la Générale de Santé est propriétaire, voilà le résultat du palmarès.
Ville et nom de l'établissement Classe Score Général Classement national |
Ambilly-Annemasse – HOPITAL B 80,44 23ème sur 327 |
Annemasse Polyclinique de Savoie C 54,24 267ème sur 321 |
Thonon Les Bains Clinique Lamartine D 41,73 264ème sur 294 |
La clinique Lamartine. Rachetée en 2006 par la Générale de Santé est épinglée avec un D et la Polyclinique de Savoie elle est également épinglée avec un C.
«Au lieu de s'ingénier à tuer les microbes dans la plaie, ne serait-il pas plus raisonnable de ne pas en introduire?» Louis Pasteur
Quelques mots qui disent l'enjeu de la lutte contre les infections nosocomiales (IN), ces maladies que l'on attrape lors d'un séjour à l'hôpital. Voilà vingt ans que les autorités sanitaires les combattent. Timidement, d'abord, malgré la création des Comités de lutte contre les IN (Clin) dans les établissements publics de santé, en 1988, et un premier plan de bataille, en 1995. Energiquement, depuis le scandale de la Clinique du sport, à Paris, en 1997. Matériel à usage unique recyclé, procédures de stérilisation douteuses, rinçage des instruments défaillant: 58 malades opérés du dos avaient été infectés par la bactérie xénopi. Cette année-là, la guerre contre les IN était déclarée.
Les chiffres font froid dans le dos. Tous les ans, 750 000 personnes - 1 patient sur 20 - sont victimes d'une infection nosocomiale.
Elle est souvent bénigne.
Elle peut être mortelle: 4000 malades n'y survivent pas.
Les Français en ont peur. Selon une enquête Ipsos, 73% d'entre eux placent les risques d'infection, en cas d'hospitalisation, en tête de leurs préoccupations. Devant les erreurs médicales (67%). En outre, les trois quarts des sondés estiment être mal informés. Pourtant, les progrès réalisés sont énormes.
Entre 1996 et 2001, le nombre de patients infectés a chuté de 13% dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) et de 24% dans les centres hospitaliers généraux.
Entre 2001 et 2006, date de la dernière enquête, les IN ont encore reculé, mais plus lentement: - 4%. Une diminution qui atteint tout de même 38% pour le redoutable staphylocoque doré. Les autorités sanitaires ont sorti les grands moyens pour en arriver là: comités spécialisés (les fameux Clin), dans les hôpitaux publics et les cliniques; structures interrégionales et nationales de coordination; programmes pluriannuels déclinant les objectifs; recommandations et protocoles à foison; réseau national de surveillance épidémiologique; dispositif de signalement obligatoire pour les infections les plus graves.
En prime, le ministère de la Santé rend publiques, depuis 2006, les performances des établissements de santé dans leur combat contre les IN.
Ce classement que publie L'Express est établi sur la base de questionnaires remplis - volontairement - par les hôpitaux.
Il reflète non pas les résultats obtenus, mais les moyens engagés.
Son intérêt est double: fournir au public de précieuses informations... et inciter les établissements à enclencher la vitesse supérieure.
30% des cas de maladies nosocomiales pourraient quand même être évités», évalue le Dr Pierre Parneix, responsable du Centre de coordination de lutte contre les IN (Cclin) de la région sud-ouest.
Comment y parvenir?
Pour Catherine Banneel, cadre supérieur de santé et ancienne dirigeante d'une école d'infirmiers de bloc opératoire, c'est tout bête - en théorie, du moins: «Maintenant que les protocoles sont formalisés, les procédures édictées, il faut que les personnels de santé se les approprient.» Il reste des progrès à faire, selon elle: «Dans les vestiaires des blocs opératoires, on voit trop souvent encore traîner des sabots et des pyjamas.»
Le b.a.-ba de l'hygiène n'est pas toujours respecté.
Exemple: le lavage des mains, essentiel, puisque 80% des infections sont transmises par cette voie. Pourtant, cela ne va pas de soi. Une étude réalisée en 2006 par le Cclin du Sud-Est auprès de 312 établissements montre que 30% des actes de soins observés ont été effectués en faisant l'impasse sur ce geste. Les solutés hydro-alcooliques, ces «savons» médicaux vendus en pharmacie sous l'appellation de gel antibactérien, ne sont utilisés que dans la moitié des cas. «En matière d'hygiène des mains, le comportement des soignants dépend beaucoup de celui du chef de service: donne-t-il l'exemple ou pas?» souligne le Dr Guillaume Kac, médecin hygiéniste à l'hôpital Georges-Pompidou, à Paris.
Au palmarès des bons élèves, les infirmières et les aides-soignantes arrivent en tête, comme, côté services, la pédiatrie.
Bons derniers: les médecins - dont la formation accorde très peu de place à l'hygiène et à l'asepsie - les agents des services hospitaliers et... les urgences. A quand le port d'un badge «Demandez-moi si je me suis lavé les mains», comme le suggère la Déclaration de Paris qu'ont adoptée en février 2007 les premiers états généraux des infections nosocomiales, organisés par l'association de défense des victimes le Lien?
Entre le déni et le secret
Le respect de la tenue vestimentaire laisse à désirer, lui aussi. Le Cclin de Paris-Nord a mené l'enquête auprès de 13 établissements. Résultat: 23% des médecins seulement, 57% des infirmières et 59% des aides-soignantes étaient irréprochables - tunique à manches courtes, bras nus, pas de bijoux, ongles courts. «On voit trop souvent des personnes qui entrent dans le bloc sans masque ou avec un masque mal attaché, observe Martine Reiss, ancienne directrice d'une école d'infirmiers de bloc opératoire. Et allez dire aux filles qu'elles doivent glisser le haut du pyjama dans le bas, même si ce n'est pas esthétique...» Question de culture, selon le chirurgien orthopédiste Patrick Mamoudy. «J'opère parfois à l'hôpital universitaire de Berlin, raconte-t-il. J'observe que le personnel allemand est rigoureux dans le respect des règles de base. Ici, dans mon propre service, je dois être en permanence sur le qui-vive pour que les comportements ne se relâchent pas.»
L'ethnologue Marie-Christine Pouchelle, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique, est une habituée des hôpitaux, où, depuis 1992, elle scrute les relations humaines, décrypte les comportements, débusque la symbolique des gestes. Elle a travaillé sur le lien entre culture hospitalière et infections nosocomiales. «On est dans le déni et le secret, pointe-t-elle. Comme cette infirmière qui avait contracté un staphylocoque résistant et refusait de le déclarer à la médecine du travail. "Je ne veux pas mettre l'équipe en difficulté", disait-elle.» Une loi du silence qui ne facilite pas l'amélioration des pratiques.
Un écueil: la rentabilité
Procédures et protocoles tiennent parfois du rituel, gage de l'appartenance à une communauté d'initiés. «Toucher à ce rituel, souligne la chercheuse, c'est mettre en cause des aspects identitaires profonds qui peuvent suffire à créer une résistance durable à tout changement.» A cela s'ajoute, dans les blocs opératoires, un soupçon de sexisme: pas facile de faire prendre conscience au chirurgien - un homme dans 90% des cas - que les tâches périphériques, effectuées essentiellement par des femmes, comme la «vaisselle» (stérilisation) et le «ménage» (bio nettoyage), comptent autant dans la lutte contre les infections que l'acte opératoire...
Le poids des relations hiérarchiques, à l'hôpital, ne favorise pas non plus l'évolution des us et coutumes. «Le pouvoir des spécialistes de l'hygiène - Comités de lutte contre les infections nosocomiales et équipes opérationnelles d'hygiène hospitalière - s'arrête là où commence celui du chef de service», déplore Alain-Michel Ceretti, fondateur du Lien.
Il en est de même pour des raisons économiques :
Prenez la friction des mains, qui doit durer trois minutes pour être vraiment efficace. A raison de 20 patients par jour, cela représente une heure de travail.» La tentation est grande de grappiller de précieuses minutes...
Pour la méthodologie cliquez ici http://www.lexpress.fr/palmares/hopitaux/resultats-dep.asp#methodologie