SOYONS UNE OPPOSITION REPUBLICAINE SANS CONCESSION !!!!
En principe, nous venons d’entrer, en France, dans une période de cinq années de stabilité politique.
Cinq années qui devraient être une sombre traversée du désert pour la droite, puisque la gauche détient la plupart des pouvoirs à l’échelle municipale et départementale, la quasi-totalité à l’échelle régionale et la totalité à l’échelle nationale. Le bilan a été si souvent fait qu’il est inutile d’y insister.
Pourtant, l’expérience historique nous apprend que les situations sont rarement monolithiques et qu’il est bien imprudent de prétendre connaître l’avenir.
C’est pourquoi, plutôt que d’asséner des affirmations simplistes et péremptoires, il vaut mieux s’efforcer de répondre à quelques questions.
Par exemple celles-ci.
Peut-on donner une explication et tirer une leçon du résultat des dernières élections ?
Quel jugement peut-on porter sur les débuts du nouveau pouvoir et que pouvons-nous en augurer pour la suite ?
Dans cette situation inédite, que peut faire la droite pour elle-même et pour la France ?
Élections 2012 : les journées des dupes
Le 10 novembre 1630, Richelieu était en état de faiblesse. Ses ennemis, plus forts que lui, auraient dû obtenir sa disgrâce et pourtant, à la fin de la journée, c’est lui qui vit son pouvoir renforcé.
C’est ce qu’on a appelé la journée des Dupes.
Cet événement n’est pas sans analogie avec la situation présente. Chaque fois qu’on peut mesurer avec netteté les forces de la gauche, on constate qu’elle est nettement minoritaire dans la France de 2012.
Le cas le plus net est fourni par le premier tour de l‘élection présidentielle, où le total des voix de gauche n’atteignait pas les 44 %. Et pourtant, après l’élection d’un président socialiste, nous nous retrouvons avec une nette majorité de gauche à l’Assemblée nationale, et même avec une majorité absolue pour le seul PS.
Comment s’explique ce qui a toutes les apparences d’un tour de passe-passe ?
Ce résultat paradoxal est forcément en rapport avec la caractéristique principale de ces législatives : le taux d’abstention le plus élevé depuis le début de la Cinquième République. Près d’un électeur sur deux n’a pas voté. On ne peut pas mettre cette anomalie sur le compte d’une dépolitisation profonde du corps électoral, puisque l’abstention a plus que doublé par rapport à l’élection présidentielle.
En fait, nous avons vécu pendant plusieurs semaines, entre la présidentielle et les législatives, dans une atmosphère étrange. La France étant le pays natal de Descartes, on attribue souvent à ses habitants la qualité essentielle d’être guidés par la Raison. Pourtant, peu de peuples sont susceptibles d’être aussi souvent en proie à des poussées d’irrationalité. Cela peut prendre des formes concentrées, voire explosives, comme en mai 1968, mais aussi des formes plus feutrées, et même anesthésiantes. Ce fut le cas lors des dernières élections législatives. Après la haute tension de la campagne présidentielle, on a eu l’impression d’une sorte de dépression mentale. La France était devenue une sorte d’OFNI (objet flottant non identifié), en suspension dans l’espace et dans le temps, sans contact avec la terre et ses difficultés grossières. Rationnellement, toutes les conditions étaient réunies pour susciter une attitude inverse. L’enjeu d’abord : au regard des institutions, les élections législatives sont même plus importantes que la présidentielle, car c’est à l’Assemblée nationale et au gouvernement responsable devant elle que la Constitution accorde la réalité du pouvoir : on l’a bien vu à l’occasion de chaque cohabitation. Dans cette perspective, le sujet qui aurait dû être au centre des débats, de façon quasi lancinante, était la crise mondiale toujours présente, avec les terribles efforts que nous devons encore consentir pour en sortir. Le laxisme de la gauche était-il le meilleur moyen ? En fait, les termes de crise mondiale, de dette publique, d’équilibre budgétaire, de nécessaire réduction des dépenses publiques, non seulement n’ont pas fait l’objet de débats, mais n’ont pour ainsi dire pas été prononcés, comme s’il s’agissait d’incongruités qui eussent troublé le légitime sommeil des Français. Bien entendu, cette apathie faisait le jeu de Hollande et de la gauche, puisqu’elle étouffait toute velléité du sursaut qui eût été nécessaire pour que la droite se mobilisât.
Cette absence de mobilisation a eu pour conséquence que de nombreuses circonscriptions ont échappé à la droite à quelques voix près : près de trente avec une différence inférieure à 1 %, plus de soixante à moins de 3 %. Si bien que le PS détient la majorité absolue des sièges alors qu’il ne représente qu’à peine 17 % des inscrits au premier tour. Il n’est certes pas question de contester la victoire de la gauche en général, et du PS en particulier, qui a été acquise par la simple application des règles électorales en vigueur, mais il faut constater que cette victoire, bien loin d’être due à un élan massif et irrésistible venu des profondeurs de la population, est la conséquence paradoxale de l’état d’apathie dans lequel se trouvait l’opinion en ce printemps 2012. Si donc les socialistes voulaient se conformer loyalement à l’esprit de la démocratie, ils avoueraient qu’ils n’ont reçu aucun mandat, et à plus forte raison aucune mission, pour apporter des changements en profondeur dans les matières qu’on appelle aujourd’hui sociétales : droit de vote des étrangers, mariage entre homosexuels, avec le droit d’adopter des enfants, euthanasie, drogue, etc. Ce qui est annoncé donne à penser que, au contraire, la gauche compte bien profiter des aléas du système représentatif pour imposer des réformes irréversibles.
Reste une question qu’on ne peut pas manquer de se poser : s’il est vrai que les dernières élections ont représenté pour la droite des journées des dupes, pourquoi et comment en est-on arrivé là ? Après tout, la gauche n’a pas formellement triché. La droite n’a-t-elle pas sa part dans la duperie dont elle est la victime ? Cette question dépasse la simple analyse des derniers scrutins. On verra plus loin ce qu’il en est de la situation de la droite aujourd’hui et demain.
Hollande : politique de l’anguille et communication
Il faut rendre cette justice à François Hollande que son comportement et son mode d’action politique sont cohérents et obéissent à quelques mécanismes assez simples. Pour peu qu’on s’applique à décrypter son personnage, on sait à peu près à quoi on doit s’attendre de sa part. Somme toute, il ne trompe que ceux qui veulent bien s’abuser. Sa carrière, sa campagne électorale et les premiers temps de sa présidence s’inscrivent dans la même ligne.
Ce qui le caractérise c’est une intelligence rusée et manœuvrière, une patience obstinée qui lui permet d’exploiter au mieux le temps le plus long, une répugnance à affronter les réalités les plus rudes, une propension à les contourner ou, mieux, à les escamoter, à les abolir par le verbe, une affectation de modestie qui lui permet de dissimuler l’efficace mobilisation de toutes ses capacités au service d’une cause suprême : lui-même. Lui-même tel qu’il est, même pas sublimé par sa fonction, normal en somme.
C’est cette personnalité qui lui a permis de rester pendant onze ans premier secrétaire du parti socialiste, à l’aise au milieu d’un panier de crabes, méprisé par les principaux crabes eux-mêmes qui tenaient sur lui les propos les plus blessants, mais qui le laissaient en place parce qu’ils le considéraient comme une sorte d’entremetteur politique subalterne qui ne faisait pas d’ombre aux vrais caciques. C’est cette personnalité qui lui a fait ruminer son humiliation et préparer sa revanche systématiquement et méticuleusement pendant de longues années (il avait pensé se présenter en 2007), d’abord au milieu de l’ironie condescendante de ses «camarades» et sans se laisser intimider par un DSK élu d’avance par les médias. C’est cette personnalité qui a inspiré la stratégie d’anguille de sa campagne présidentielle, mêlant les annonces les plus provocantes et les engagements les plus fuyants. Il est toutefois arrivé au moins une fois que la vérité profonde du personnage vienne percer la surface apparemment lisse, c’est, au cours du débat avec Nicolas Sarkozy, la longue psalmodie de cette stupéfiante litanie autoglorificatrice et visionnaire : «Moi président de la République…».
C’est aujourd’hui cette même personnalité qui est à l’œuvre dans les premiers pas présidentiels de Hollande. Il faut d’abord saluer un beau succès de communication, aidé, il est vrai, par la flagornerie naturelle de la plupart des médias à l’égard de la gauche. Lors de chaque réunion internationale à laquelle il participe, on s’extasie de voir qu’il est capable de prendre la parole au milieu des grands de ce monde. Mais que pourrait-il faire de moins ? S’imagine-t-on que les chefs d’Etat et de gouvernement seraient spontanément disposés à exiler le représentant de la France au bas bout de la table en le condamnant au silence et qu’il faut à Hollande une force de caractère peu commune pour s’imposer contre cette conspiration hostile ?
Le comble de l’imposture réside dans l’accaparement du thème de la croissance. A en croire les médias, les dirigeants du monde, obtus et masochistes par nature à l’image de Nicolas Sarkozy, s’obstinaient stérilement à prôner l’austérité et les sacrifices. Enfin Hollande vint, qui prononça le mot auquel personne n’avait pensé, le mot éclairant et salvateur : la croissance. Alors les yeux s’ouvrirent, le paysage devint lumineux, la route apparut toute tracée. Si la situation n’était pas si sérieuse, si l’image de la France n’était pas en jeu, on rirait de cette bouffonnerie qui consiste à présenter comme une révélation les propos hollandesques, qui reviennent à proclamer qu’il vaut mieux être riche et bien portant plutôt que pauvre et malade. Tout le monde est évidemment à la recherche de la croissance. Le tout petit détail qui gêne, c’est de savoir comment y parvenir. Mais ce n’est pas l’affaire de M. Hollande. Son domaine, c’est le verbe en majesté. La réalisation pratique, quelque peu vulgaire, c’est pour les autres.
C’est bien l’anguille qui est emblématique des premières mesures de la nouvelle présidence. La difficulté, c’est d’avoir l’air de tenir ses promesses électorales, mais sans les tenir vraiment, car on sait bien qu’elles sont démagogiques et que leur exécution serait économiquement ravageuse. Encore cette fichue réalité qui vient polluer indiscrètement les propos les plus séduisants ! Par exemple, on avait promis de ramener l’âge de la retraite à soixante ans. C’est évidemment impossible, mais on ne peut pas y renoncer formellement. Alors on finasse. Il y aura bien des départs à la retraite à soixante ans, mais pas pour tout le monde, et on compte sur la bienveillance des syndicats pour que le nombre des bénéficiaires soit le plus bas possible. De même pour le Smic, qui aura droit à un «coup de pouce», mais «raisonnable». Et on discute pour savoir quelles sont les limites de la raison. Bien entendu, comme chaque fois que l’on s’en remet à une cote mal taillée, on cumule les inconvénients des deux choix opposés : mauvaise action économique et frustration de ceux qui s’étaient fiés aux promesses électorales. Mais l’essentiel est que la pilule passe pour cette fois. Au moment où se présenteront les prochaines échéances, on avisera, on tâchera de trouver un autre subterfuge.
Le domaine économique n’est pas le seul terrain où sévit ce type de politique. Le champ de bataille n’y échappe pas, comme en témoigne notre calendrier militaire en Afghanistan. Hollande avait annoncé le retrait total de nos troupes pour la fin de cette année, apparemment pour la seule raison de se distinguer de son prédécesseur. Mais en fait il s’avère que, pour des raisons matérielles et techniques, la manœuvre annoncée n’est pas possible. Va-t-on reconnaître son erreur ? Evidemment non. On va, comme toujours, avoir recours à la finasserie verbale en parlant du rapatriement des seules «troupes combattantes», distinction qui, sur le terrain, n’a aucune signification. Et une fois de plus, on va cumuler les inconvénients : faire passer la France pour un pays sur lequel ses alliés ne peuvent pas compter et exposer malgré tout nos soldats aux dangers d’une opération anticipée insuffisamment organisée.
La position de Hollande dans la crise mondiale actuelle est, elle aussi, tristement révélatrice. Les médias se focalisent sur ses rapports avec Angela Merkel, comme s’il s’agissait simplement d’une affaire bilatérale, avec des escarmouches entre la France et l’Allemagne sur telles ou telles solutions techniques. En vérité, les divergences sont des divergences de fond, indicatrices d’un changement profond de la politique française. A travers les épisodes particuliers, la stratégie de Nicolas Sarkozy était claire : il s’agissait non pas de «coller» à l’Allemagne par esprit d’allégeance ou d’imitation, mais de faire en sorte que la France fasse partie des pays forts et moteurs, ce qui supposait des efforts parfois rudes mais bénéfiques à terme. Avec Hollande, changement stratégique à cent quatre-vingts degrés. Il s’agit pour la France de prendre la tête d’une sorte de coalition des pays faibles, non pas pour les entraîner à remonter la pente, mais pour leur permettre de continuer dans la voie de la facilité en contraignant politiquement les pays plus prospères, principalement l’Allemagne, à partager les fruits de leurs efforts avec ceux qui refusent de faire ces mêmes efforts. Nicolas Sarkozy s’efforçait de tirer la France vers le haut, fût-ce avec quelque rudesse, alors que François Hollande la tire vers le bas en lui assignant le rôle de chef de file des pays assistés, pour ne pas dire des pique-assiettes. C’est toujours le même fil directeur : plutôt que d’affronter les rigueurs de la réalité, mieux vaut finasser, filouter, roublardiser, trouver une astuce pour faire faire les efforts par les autres et nous en tirer nous-mêmes au moindre prix. Cette voie est non seulement celle du déshonneur (auquel certains sont fort peu sensibles), mais c’est aussi celle de la fuite en avant qui, en éludant les échéances présentes, nous précipite vers une échéance ultime qui, elle, sera inévitable et catastrophique.
Comme son maître Mitterrand, mais avec moins de brillant, Hollande se veut à l’aise dans le domaine du petit. Entre le petit et le bas, la différence est parfois mince, de même qu’entre le normal et l’ordinaire. Outre les résultats douloureux qu’on peut attendre en matière économique, l’influence de Hollande, si elle pouvait s’exercer sans obstacles, ne manquerait pas d’être pernicieuse. Il viserait à anesthésier le pays en développant les tendances les moins toniques qui y sont représentées, par exemple le côté «petit malin roublard» d’un certain esprit français ou le sentimentalisme mièvre auquel peuvent aboutir des vertus chrétiennes dégénérées.
La France n’a pas vraiment besoin d’un tel président qui manifeste sa normalité en se définissant devant des enfants comme le «président des bisous» (sic) et en donnant en public le spectacle d’un vaudeville intime dont on aurait aimé faire l’économie.
Les médias complaisants peuvent essayer de nous vendre l’image d’un Hollande chaleureusement accueilli par les milieux économiques et la communauté internationale. La vérité est bien différente. Elle se manifeste par les condamnations, prononcées par les instances économiques internationales ou nationales (y compris la Cour des comptes française) contre la politique engagée et aussi par l’attitude désinvolte et goguenarde des Merkel, Poutine, Cameron et autres à l’égard du président de la République française.
La droite doit se renforcer dans l’épreuve
Dans les années qui viennent, c’est un rôle essentiel pour la droite que de faire obstacle aux nuisances du pouvoir socialiste. Encore faut-il qu’elle considère sa défaite non comme un écrasement, mais comme un défi qu’elle doit relever, dont elle doit profiter pour se renforcer afin de répondre aux aspirations d’une France de droite majoritaire dans les idées mais rejetée dans l’opposition.
Un principe général veut que, quand on souhaite recevoir une bonne réponse, il faut d’abord poser une bonne question. Ce n’est pas forcément le cas quand il s’agit de l’avenir de la droite.
La plupart des commentaires se focalisent sur l’attitude que l’UMP doit avoir envers le FN et même, plus particulièrement, sur cette attitude lors des élections législatives. Une tendance assez forte se dégage pour tenir le raisonnement suivant. Certains candidats UMP, comme Nadine Morano, ont lancé des appels en direction des électeurs du FN : ils ont été battus. D’autres, comme Nathalie Kosciusko-Morizet, ont affiché leur hostilité au FN : ils ont été élus. Il y avait là une tentative de «droitisation» de l’UMP : elle a été sanctionnée par les électeurs. Cette droitisation avait été l’axe de campagne de Nicolas Sarkozy, surtout entre les deux tours de la présidentielle : il a été battu. Il faut donc, non seulement pour des raisons de principe, mais pour des raisons pratiques, recentrer l’UMP. CQFD.
Le raisonnement, quasi mathématique, est impressionnant. Sauf que, quand on l’examine dans le détail, il se révèle parfaitement superficiel, entraînant des conclusions fausses. En ce qui concerne l’élection présidentielle, il faut se rappeler que, quelques mois avant l’échéance, Nicolas Sarkozy était crédité de 38 % des suffrages, contre, évidemment, 62 % à Hollande. En quelques mois, il a donc rattrapé plus de dix points. La progression a été particulièrement rapide entre les deux tours. Si l’on affine un peu l’analyse de l’évolution des intentions de vote, on constate que l’augmentation est remarquablement parallèle à la droitisation des propos. Inversement, lorsque Nicolas Sarkozy a commis la maladresse de rappeler son ouverture à gauche, la courbe a aussitôt fléchi.
Pour les législatives, on extrait quelques cas qu’on qualifie hâtivement de symboliques et on en tire des conclusions générales sans tenir compte des circonstances particulières. Par exemple, leur position locale forte a sans doute joué en faveur des maires que sont Xavier Bertrand ou NKM. Mais on oublie de dire que des résultats beaucoup plus brillants ont été obtenus par un Jean-François Copé ou, en dehors de l’UMP, un Nicolas Dupont-Aignan, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne se présentaient pas sur des positions centristes. Tout cela pour ne rien dire de cas plus particuliers, tel celui de Jean-Paul Garraud, battu de peu après avoir été poignardé par l’homme fort de la région, Alain Juppé.
Mais, au-delà de ces cas individuels, l’argumentation «centripète» (prônant une orientation vers le centre) souffre d’une faiblesse plus générale et plus profonde. Messieurs les commentateurs patentés oublient régulièrement de se poser une question toute simple : pourquoi les électeurs du FN ne se sont-ils pas reportés plus massivement sur les candidats UMP tenant des propos de droite ? Si messieurs les commentateurs patentés voulaient bien sortir de leur bulle et se mettre à l’écoute des conversations courantes, ils entendraient, en autant d’exemplaires qu’ils le souhaiteraient, des propos de ce genre : «Nous sommes bien d’accord avec les paroles de ce candidat, mais nous n’avons pas confiance parce qu’elles arrivent bien tard, qu’elles ne sont pas gagées sur des actes antérieurs suffisamment probants et que nous pensons qu’elles sont prononcées essentiellement pour capter nos voix». Si l’on veut faire préciser ce qu’il est reproché à la droite de n’avoir pas fait, ou pas suffisamment, on entendra peut-être quelques récriminations portant sur l’économie, mais on entendra massivement l’expression de frustrations portant sur les atteintes à l’identité française ou, en termes plus simples, sur l’immigration.
Pour faire très sommairement le point sur les rapports entre la droite et la gauche dans la population française, on peut dire que la gauche est quantitativement minoritaire, qualitativement amorphe, mais électoralement rassemblée. La droite est majoritaire, très attachée à ses idées, mais électoralement divisée. Pour sortir de cette impasse, la première idée qui vient à l’esprit est qu’il suffirait de conclure un accord, même assez large, entre l’UMP et le FN. La situation n’est malheureusement pas aussi simple. L’histoire de ces dernières décennies pèse encore de tout son poids, marquée par un antagonisme souvent virulent entre les deux partis. Cet esprit d’hostilité existe d’ailleurs dans les deux camps et il ne faut certainement pas considérer les dirigeants du FN comme de braves gens pleins de bonne volonté, mais victimes d’un injuste ostracisme de la part de la droite classique, alors que c’est eux qui, par leur consigne de vote blanc, ont délibérément fait élire un président socialiste. Quoi qu’il en soit, il est très peu probable que des initiatives vraiment nouvelles émanent des appareils.
Nous n’avons certes pas ici de recette formelle à offrir. Nous nous proposons seulement d’apporter notre contribution en n’abordant plus la question essentiellement et presque exclusivement à partir du sommet de la pyramide, mais à partir des fondations. Affermir les fondations, cela signifie répondre à la question : «Que veut la droite en France, aujourd’hui et que peut-elle faire?».
La réflexion, évidemment, se ferait à l’écart de toute langue de bois et de toute révérence à l’égard de la bulle médiatico-socialiste. Dans l‘état actuel des choses, on ne peut guère aller plus loin dans le sens de la précision organisatrice, mais il est probable que, au fil de la réflexion, se dégageront des solutions possibles auxquelles personne ne songe aujourd’hui, mais qui, le moment venu, paraîtront peut-être évidentes.
Se poser en s’opposant
Cette devise est plus qu’un jeu de mots. Elle exprime une résolution, et aussi une méthode. Il est de bon ton, dans certains milieux de droite, de dire qu’on ne veut pas avoir de préjugés et qu’on jugera le pouvoir de gauche sur ses actes, objectivement, au cas par cas.
Telle n’est pas notre position. A vrai dire, ceux qui ont encore besoin de preuves nouvelles pour savoir ce qu’est l’action du socialisme au pouvoir, et surtout du socialisme français, sont à peu près aussi raisonnables que s’ils scrutaient attentivement un pommier pour voir si, par hasard, il ne produirait pas un abricot. De plus, juger au coup par coup, c’est laisser à l’adversaire l’avantage permanent de l’initiative.
Pour nous, nous estimons que, depuis longtemps, la cause est entendue. C’est donc une déclaration d’entrée dans une opposition sans concession que nous émettons ici.
Malgré les commentaires pessimistes qui prétendent condamner la droite à une très longue traversée du désert, notre combat n’est nullement désespéré. Il suffit de se souvenir qu’en 1993, après sa défaite écrasante aux élections législatives, le PS était généralement considéré comme mort et sommé de changer d’identité s’il voulait avoir une chance de survie. Quatre ans plus tard, il revenait au pouvoir.
Toutefois, ce mouvement du balancier n’a rien d’automatique. C’est de sa lucidité et de notre engagement que dépend le retour de la droite au pouvoir.
*Merci à Jacques Rougeot, professeur émérite à la Sorbonne, vice-président du MIL