Valeurs fondamentales de la République
Le Conseil d'Etat a confirmé le refus d'accorder la nationalité française à une Marocaine pour sa "pratique radicale de la religion".
Cette femme s'était rendue à des entretiens avec les services sociaux vêtue d'une burqa. (Récit : France 2)
Le Conseil d'Etat a confirmé fin juin le refus d'octroyer la nationalité française à une Marocaine musulmane portant la burqa, en fustigeant "une pratique radicale de la religion incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française".
La plus haute juridiction administrative, qui était saisie d'une demande d'annulation d'un décret pris en 2005 par le gouvernement, a estimé que "si Mme M. possède une bonne maîtrise de la langue française, elle a cependant adopté une pratique radicale de la religion incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française, et notamment avec le principe d'égalité des sexes".
"Par conséquent le gouvernement a pu légalement fonder sur ce motif une opposition à l'acquisition par mariage de la nationalité française par Mme M.", ajoute l'arrêt daté du 27 juin, révélé par Le Monde de samedi et que l'AFP a pu consulter.
Selon Le Monde, cette Marocaine, mariée à un Français et mère de trois enfants nés en France, se serait présentée en burqa --vêtement couvrant le corps entier de la femme et masquant le visage-- lors de plusieurs entretiens avec les services sociaux et la police pour sa demande de nationalité.
Le couple a admis "spontanément" son appartenance au salafisme, un courant rigoriste de l'Islam fondé sur une interprétation stricte et littérale du Coran, et Mme M., voilée "à la demande de son mari", ne conteste pas cette "soumission", précise le quotidien.
Un décret du 16 mai 2005 avait refusé l'acquisition de la nationalité à cette habitante des Yvelines "pour défaut d'assimilation".
Saisi du recours en annulation, le Conseil d'Etat a jugé la demande infondée, précisant notamment que le décret "ne méconnai(ssai)t pas le principe constitutionnel de la liberté d'expression religieuse".
La confirmation du refus de la nationalité "n'est pas liée à un problème de religion mais de comportement traduisant un défaut d'assimilation à la société française", a commenté à l'AFP une source proche du dossier.
"Ce n'est pas la première fois que cet argument du défaut d'assimilation conduit à refuser l'octroi de la nationalité française", a ajouté cette source tout en relevant que c'était "peut-être la première fois concernant le port d'une burqa".
La commissaire du gouvernement (chargée de donner un avis juridique), Emmanuelle Prada-Bordenave, a insisté sur les entretiens qu'a eus le couple avec les services sociaux et la police. A trois reprises, Faiza M. se serait présentée "recouverte du vêtement des femmes de la péninsule arabique, longue robe tombant jusqu'aux pieds, voile masquant les cheveux, le front et le menton et une pièce de tissu masquant le visage et ne laissant voir les yeux que par une fente".
D'après ses propres déclarations, a souligné la commissaire du gouvernement, elle mène une vie presque recluse et retranchée de la société française. Elle n'a aucune idée sur la laïcité ou le droit de vote. Elle vit dans la soumission totale aux hommes de sa famille ." Faiza M. semble "trouver cela normal et l'idée même de contester cette soumission ne l'effleure même pas", a ajouté Mme Prada-Bordenave, estimant que ces déclarations sont "révélatrices de l'absence d'adhésion à certaines valeurs fondamentales de la société française".
Parallèlement, il est apparu que Mme M. "parle bien français", un critère habituellement retenu dans l'attribution de la nationalité et que, durant ses grossesses, elle a été suivie par un gynécologue homme.
Cette décision, qui est prise quelques semaines après l'annulation d'un mariage entre deux époux musulmans, au motif que la femme avait menti sur sa virginité, traduit l'émergence dans la société française de questions liées aux particularismes religieux et culturels.
"Cette affaire montre que le droit est de plus en plus amené à se prononcer sur les conflits de valeurs que pose l'islam à la société", constate Didier Leschi, ancien chef du bureau des cultes au ministère de l'intérieur, spécialiste de la laïcité.
Sans possibilité de recours, Faiza M. pourra, selon les juristes, renouveler sa demande quand elle aura prouvé qu'elle "a fait siennes les valeurs de la République".